« Toutes gagnantes dès le fil de départ »
« Ça ne pouvait pas tomber mieux. »
C’est ce qu’Alexandra s’est dit lorsqu’on lui a proposé d’être co-porte-parole (avec Charles Philibert-Thiboutot) pour le Marathon Beneva de Montréal. Guérie depuis peu d’une blessure de ski dont elle aura mis plus d’un an à se remettre complètement, elle a repris l’entraînement depuis déjà deux mois. Elle compte non seulement participer à l’épreuve du 5 km du samedi, mais aussi à celle du demi-marathon le lendemain, si son coach, l’olympien Pierre Léveillé, l’y autorise.
Au bout du fil, la voix de la journaliste, animatrice, auteure et bourlingueuse est des plus enthousiaste. « Ma réhabilitation a été longue, très longue. J’y ai consacré pratiquement un an. J’ai été très disciplinée avec mes traitements de physiothérapie, mais je suis hyperactive et ne pas pouvoir bouger a été une grande épreuve. Il y a eu des moments de colère. »
Elle confie avoir compensé en mangeant un peu trop et une consommation d’alcool un peu plus élevée qu’en temps normal. « Le problème ce n’était pas les excès, mais comment j’ai eu à apprendre à la dure à me gérer moi-même pour traverser cette épreuve. C’est frustrant de passer par là, mais on en sort grandi! » La collaboration avec le Marathon Beneva de Montréal ne pouvait tomber à un meilleur moment, dit celle qui court depuis dix ans.
Pleine d’humour, Alexandra se décrit souvent comme une « patate-pimpante » parce que « j’ai toujours été une fille hyperactive, mais pas une sportive. Je cours à un pace magique, celui d’une patate, mais toujours pimpante et constante! ».
Après une carrière journalistique de seize ans (TVA et Radio-Canada), elle a ressenti le besoin de faire évoluer sa carrière. « Ça coïncidait avec l’entrée à l’école de mon fils et les horaires irréguliers d’une journaliste ne me convenaient plus. »
Alexandra se donne deux ans pour trouver ce qui la passionnera tout autant que de couvrir les actualités, un domaine qu’elle quitte sans regret après y avoir tout donné. Mais sa nature craint le vide. Sachant qu’en quittant un emploi si prenant elle disposerait de plus de temps pour elle, deux options s’offrent à elle : parfaire sa connaissance des langues (elle parle le français, l’anglais, l’espagnol, comprend le portugais et l’italien et a étudié le japonais à l’université) ou… faire du sport.
« Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais véritablement été une sportive. La course s’est imposée naturellement grâce à un copain marathonien qui me l’a enseignée sans jugement. » C’est avec lui qu’elle a effectué sa première sortie de course à vie sur le mont Royal. « Il m’a guidé sur tous les plans, ma foulée, mon rythme, et on a bouclé l’ascension et la descente en 53 minutes. Je n’ai jamais arrêté de courir depuis. »
Ce jour-là, Alexandra s’est sentie invincible et les conseils de son copain lui ont évité bien des erreurs de débutant : surmenage, attaque du talon et autre. Elle participe ensuite à plusieurs événements qui la mènent jusqu’à participer au défi Esprit de corps, une course à relais de 72 heures Montréal–New York. « À l’arrivée, j’étais dans un tel état d’euphorie, que j’ai décidé d’y participer à nouveau! »
My pace, my race
« Quand je participe à une course, je me fais dépasser, mais je me dépasse aussi, c’est tout ce qui compte. » Alexandra n’est pas dans la performance, mais plutôt dans le plaisir et la recherche du bien-être.
Affirmer haut et fort ne pas être compétitive mais participer à une compétition comme un demi-marathon (21,1 km) pourrait-il sembler paradoxal à ses yeux? Sa réponse est sans équivoque : « Je ne participe pas à des compétitions, je me donne des rendez-vous. J’arriverai peut-être la dernière! Pas la toute dernière, mais presque… ».
« Il y a là un acte d’humilité à se faire dépasser. La réalité rend humble, même si je me donnais à fond, que j’explosais sur le parcours, je n’ai aucune chance de gagner et c’est très bien ainsi. Je sais que je suis entourée de bons coureurs, des coureurs élites, et d’être parmi eux, je suis déjà une gagnante. J’aurais pu rester chez moi et regarder la parade passer mais j’ai décidé d’en faire partie. »
Celle qui dit aimer être entourée des meilleurs en tout souhaite pouvoir arriver à « inspirer d’autres femmes à se “botter le cul” et à sauter dans l’arène. On est toutes des gagnantes, et ce, dès qu’on se trouve au fil de départ. C’est le parcours qui nous y a menées qui fait de nous des gagnantes. La médaille, on pourrait nous la remettre au départ! ».
À son avis, l’effort qu’on met dans la pratique de la course à pied est largement récompensé : santés mentale, émotionnelle et physique. « Les femmes – certains hommes aussi –, on est très dur avec nos corps. La plupart du temps, nous sommes insatisfaites de notre image corporelle. Après une course, je me sens belle! Je fais la paix avec lui et avec un tas d’autres choses après un entraînement. »
Du même souffle, Alexandra m’explique qu’elle le fait d’abord pour elle-même, mais inévitablement ça rejaillit sur son entourage. « Mes relations sont plus harmonieuses parce que je cours. »
Le temps affiché au chrono officiel et son rang n’ont aucune importance à ses yeux. « Je termine mes courses en étant comblée et heureuse. » Son entraîneur depuis dix ans, Pierre Léveillé, lui rappelle souvent que son objectif devrait toujours être le plaisir.
Pour arriver à s’entraîner de façon constante et assidue, Alexandra a recours à un plan d’entraînement. « Ça m’en prend un, j’ai une vie chargée, on a quatre enfants à la maison et les raisons seraient faciles à trouver pour sauter une sortie de course. »
Mais il n’y a pas que la course dans la vie. Il y a aussi la bouffe. Pour l’auteure du livre Fiesta Santé : mes recettes et trucs pour commencer à bouger et être débordante d’énergie, la nourriture et le plaisir qu’elle procure occupent une très grande place dans sa vie et celle de sa famille. « Dans la vie, il faut cuisiner… Pas besoin de cuisiner comme un chef, gardons ça simple, mais cuisinons! »
« À la maison, mon chum et moi ne sommes pas au service de nos enfants. Vous ne m’entendrez jamais dire : les enfants, le repas est prêt! On travaille en équipe, on fait les repas ensemble et tout le monde y trouve son compte. Et ça inclut le lavage de la vaisselle. On fait l’exercice de se demander de quoi on a envie pour souper, on en discute et on le prépare. Du bonheur ! »
Son rapport avec la nourriture est redevenu plus sain une fois terminée la longue convalescence de sa blessure de ski. « J’ai fait de la compensation alimentaire. J’étais en colère de ne pas pouvoir bouger et j’ai trop (mal) mangé. Aux yeux de mes proches, avec mon verre de bulles à la main et l’autre dans le sac de chips, je semblais heureuse, mais au fond de moi il y avait une telle colère. »
Mais n’allez pas croire qu’elle mange tous les jours parfaitement. « À mes yeux, c’est un objectif impossible à atteindre et ça n’apporte que du stress. Ça m’arrive de manger de la junk. Un arrêt au stand à patates me ravit complètement et je ne ressens aucune culpabilité, tant que ça demeure occasionnel. J’essaie du mieux que je peux et de me tenir loin des aliments transformés, mais je n’en fais pas une maladie. »
Avec un peu de recul, elle tire du positif de cet arrêt forcé. Peut-être que cette année d’introspection et ce temps d’arrêt lui auront été profitables. Avec déjà deux mois d’entraînement derrière elle, l’avenir lui sourit. En tire-t-elle une leçon? « Je sais désormais ce que c’est d’être à l’arrêt. Dès le moindre signe d’une éventuelle blessure, je calme mes ardeurs à l’entraînement. Je veux “durer” en tant que coureuse, comme je souhaite durer dans ma vie professionnelle, amoureuse et familiale. Je veux être une p’tite vieille qui court. »
Bien qu’elle ne souhaite pas devenir une influenceuse parce qu’elle nourrit encore sa démarche journalistique, elle souhaite être une source d’inspiration pour toute femme qui songerait à se mettre à la course à pied. « Faites-le pour vous », dit-elle haut et fort.
Lorsqu’elle prendra part aux deux épreuves lors du week-end du Marathon Beneva de Montréal, Alexandra aura une pensée toute spéciale pour les deux femmes les plus marquantes de sa vie : « Ma mère Gloria et ma belle-mère Carole. » Parties les deux beaucoup trop tôt, foudroyées par le cancer. « Ces deux femmes ont été des phares dans nos vies, des esprits libres, des femmes sans jugement envers les autres. Mon chum et moi partageons ce long deuil. Ma mère m’a aimée, cajolée, je suis la femme que je suis aujourd’hui parce que je n’ai ni manqué d’attention, ni d’amour. Ma belle-mère m’a aussi aimée et me l’a dit et me l’a fait sentir. Nos conversations éclairantes me manquent aussi. Il n’y a pas une journée où leurs enseignements ne me guident pas. Je cours pour être digne de ce que j’ai reçu. »
Sprint final
Je cours avec ou sans musique?
Je cours toujours avec de la musique. Je commence tous mes entraînements depuis 10 ans au son de Lose Yourself de Eminem.
Le mercure doit indiquer quelle température pour me décourager d’aller courir en hiver ?
Aucune. Il faut savoir s’habiller en pelures.
Après un bon entraînement ou une compétition, je me gâte sans culpabilité avec quel plat ?
N’importe quoi qui me procure du plaisir. Pas d’histoire de récompense et de mérite ni de culpabilité. La vie est courte!
Il m’arrive de courir sur un treadmill ?
Je l’ai fait pendant ma réhabilitation.
L’événement de course auquel je souhaite participer ?
Je cours dans toutes les villes que je visite. Je souhaite courir dans le plus de villes possible!
Un(e) coureur(euse) qui m’inspire.
Mes deux enfants : Henri (16 ans), Simone (13 ans), et mes deux beaux-enfants : Alexis (11 ans), Florence (7 ans).
Une lecture inspirante
Là où je me terre, de Caroline Dawson, aux éditions Remue-Ménage.
Je ne connais pas personnellement l’auteure, mais tout comme moi, Caroline Dawson est une immigrante chilienne. Son livre m’a bouleversée.
En un mot, quel type de coureuse suis-je ?
Constante.