Donner au suivant
Malgré un horaire chargé, l’athlète Charles Philibert-Thiboutot a accepté d’être co-porte-parole pour le Marathon Beneva de Montréal. Et son implication ne sera pas banale puisqu’il sera le lapin des coureurs du demi-marathon. Si vous visez un temps de 1h40 (soit entre 4.40 et 4.45 min. du km), c’est un privilège à ne pas manquer!
De retour de Eugene (Oregon) où il a participé aux championnats du monde d’athlétisme (15e au 1 500 mètres et 27e au 5 000 mètres), il a repris l’entraînement en vue des Championnats d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes d’athlétisme qui se tiendront aux Bahamas du 19 au 21 août 2022. Objectif? Monter sur le podium.
Ses entraînements sont des plus exigeants. « Je cours en moyenne 130 km par semaine. Mais ce sont particulièrement les entraînements sur piste qui sont durs. Je les exécute de deux à trois fois par semaine, les intervalles sont très ardus. On passe du pace marathon à celui du sprint maximal. Le reste de la semaine, je fais deux sorties quotidiennes à un pace de récupération. J’estime que sur les 130 km que je cours hebdomadairement, 70% à 80% se font à ce rythme. J’appelle ça du volume facile, soit entre 4 min et 4 min 20 au km. Le rythme que le lapin que je serai empruntera pour accompagner les demi-marathoniens le 25 septembre prochain. »
Charles est détenteur d’un nombre impressionnant de records québécois sur piste intérieure et extérieure : 1 000 mètres, 1 500 mètres, le mille, 3 000 mètres et 5 000 mètres, à cela on ajoute aussi celui du 10 000 mètres en piste extérieure. Comme si ce n’était pas assez comme palmarès, il ajoute, en 2022, le record canadien au 5 km sur route (Boston, BAA).
« JE SUIS UN COUREUR PROFESSIONNEL »
« À l’école secondaire, on me surnommait le “p’tit vite”. Peu importe le sport que je pratiquais, j’étais rapide, je courais dans tous les sens, infatigable. Me voyant aller, mon professeur d’éducation m’a orienté vers l’athlétisme et le cross-country. Au début j’ai détesté ça. Je ne savais pas gérer mes courses, je me donnais à 110 % dès le départ, je partais le premier et je ralentissais peu à peu, avec aucun sens du pacing. Je ne réussissais même pas à me qualifier pour les championnats provinciaux. C’est plus tard, après une rapide poussée de croissance vers 16-17 ans, que les choses ont commencé à s’améliorer. »
Les années ont passé et Charles s’est rendu à l’évidence, la course était son sport. Les bons résultats n’ont pas tardé à venir et il a commencé à apprécier véritablement la course.
« Je me suis bien rendu compte que c’était le sport dans lequel je performais le mieux et où je pourrais atteindre les plus hauts niveaux. Depuis mon plus jeune âge, je rêvais de faire partie de l’élite sportive, peu importe le sport. Avec la course, ça devenait un objectif atteignable. J’ai décidé de m’inscrire au Club d’athlétisme du Rouge et Or de l’Université Laval où j’ai fait la rencontre de mon entraîneur et qui l’est toujours à ce jour : Félix-Antoine Lapointe. À l’université, dès les premières années, j’ai atteint des niveaux auxquels je ne m’attendais pas. »
De son propre aveu, son parcours est plutôt atypique. « À l’université, à force d’entraînement et de persévérance, je suis devenu l’un des meilleurs athlètes en athlétisme au Québec, voire au Canada, dans mon groupe d’âge. Mais ici au Québec, ça faisait un bon moment qu’on avait eu de bons athlètes en course de demi-fond, je n’avais pas véritablement de modèles.»
Il s’est donc retrouvé dans une zone inconnue. « Je battais un à un tous les records québécois dans plusieurs distances. À ma quatrième année universitaire, je me suis un peu détaché du reste des coureurs de mon club, grâce à des chronos aux 1 500 mètres qui laissaient présager qu’une carrière internationale pouvait être envisagée. »
C’est en 2014 que la possibilité de devenir coureur professionnel est devenue envisageable. « Je n’étais pas seul à manquer de repères dans cette nouvelle aventure. Mon coach n’avait jamais entraîné un athlète qui atteignait de tels temps. Il a fallu qu’on se fasse confiance, qu’on se retrousse les manches et qu’on aille voir jusqu’où nous pouvions repousser nos limites. »
S’est-il senti épaulé au Québec ? Sa réponse est sans équivoque. « Il y a quelque chose de vraiment exceptionnel avec le sport québécois, en comparaison avec l’international et le reste du Canada, c’est l’amour des Québécois pour les athlètes. On n’est jamais à court d’appui et d’encouragement. »
La suite de son parcours n’a pas été sans embûches car les blessures l’ont accompagné pendant de longues et nombreuses années. « L’hiver, au Québec, je me blesse (rire) ! C’est pour ça que je m’exile vers Vancouver. J’aurais pu joindre les rangs d’un club chez nos voisins du Sud, mais moi, mon coach, ma physiothérapeute et ma psychologue sportive formons une équipe de rêve. Je tiens à tout prix à rester avec eux. »
Charles a eu son lot de blessures entre 2017 et 2020. « Ça a été la période la plus difficile de ma carrière à ce jour. Pendant cette période, j’ai manqué, un à un, tous les grands rendez-vous en athlétisme. »
Quatre mois avant les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (2016), il souffrait d’une blessure majeure au dos. C’est à ce moment que sa physiothérapeute est entrée en scène. « J’ai réussi à faire des jeux. Mais dès mon retour, j’ai dû faire une croix sur tous les mondiaux d’athlétisme et sur les JO de Tokyo (2021). Malheureusement, une série de blessures et de malchances à l’entraînement m’ont privé de tous ces rendez-vous. Je souhaite vraiment être des JO de Paris en 2024. »
Depuis 2021, il affirme être plus constant autant à l’entraînement que dans sa réhabilitation, évitant du coup les blessures. « Ma physiothérapeute y est pour beaucoup. On travaille ensemble deux fois par semaine, un travail qui se fait surtout en prévention. »
Jusqu’à présent les résultats sont au rendez-vous. « On tente de garder une bonne biomécanique pour affronter mes durs entraînements sans que le corps tombe en morceaux. Je peux dorénavant affirmer que je suis au sommet de ma forme. Mes meilleurs résultats à l’international je les ai eus cet été » dit celui qui a battu un bon nombre de ses records personnels sur plusieurs distances, dont le 5 000 mètres.
Charles est un athlète humble. « Les gens sont impressionnés par mes temps et les différents records que je détiens. Ça me touche. Je suis un coureur professionnel, c’est mon job, toute ma vie est orientée en ce sens, je suis entouré par des gens formidables qui m’aident à progresser. »
Mais ceux qui l’impressionnent lui? « Les gens qui malgré un job exigeant, des obligations familiales, malgré le manque de ressources, arrivent à s’entraîner et à courir 5 km, 10 km, 21,1 km ou même 42,2 km dans le cadre du Marathon Beneva de Montréal. Moi, je cours deux fois par jour, mes journées sont totalement dédiées à l’entraînement, à la récupération et à la réhabilitation. »
Il le répète: c’est son travail d’être coureur professionnel. « C’est un métier extrêmement difficile, je l’admets, j’ai connu des hauts et des bas. Mais ce qui m’impressionne vraiment c’est de voir des gens dont la course n’est pas le métier se donner à fond et prendre le départ de l’une des épreuves du Marathon Beneva de Montréal. Ce sont eux qui à mes yeux ont le plus de mérite. Les gens peuvent bien me dire qu’ils sont inspirés par mes performances, mais je réalise que c’est facile de performer quand on se dédie comme je le fais à 110%, parce que c’est mon boulot.»»
C’est l’une des raisons pour lesquelles il s’est joint à l’équipe du marathon. « Ça me fait vraiment plaisir. En temps normal, fin-septembre, je m’accorde une pause, mais cette année je ferai une exception et j’enfilerai mes chaussures de course pour me joindre aux milliers de coureurs. Je souhaite en accompagner le plus grand nombre possible au fil d’arrivée et de les aider à atteindre leur objectif. J’ai une grande admiration pour tous les coureurs qui se donneront rendez-vous au fil de départ. »
SPRINT FINAL
Je cours avec ou sans musique?
Sans.
Des lieux de prédilection pour les longues sorties?
À Québec, le long de la rivière Saint-Charles et sur les plaines d’Abraham. À Montréal, le long du canal de Lachine et à la carrière Miron.
Le mercure doit indiquer quelle température pour me décourager d’aller courir en hiver?
Je n’ai pas le choix, je dois y aller, peu importe les conditions.
Après un bon entraînement ou une compétition, je me gâte, sans culpabilité avec quel plat ?
« Je vais chez McDonald’s. » (NDLR : Charles n’est pas commandité par le géant du fast-food.)
M’arrive-t-il de courir sur un treadmill ?
Oui.
L’événement de course auquel il souhaite participer.
Les jeux Olympiques de Paris de 2024.
Une lecture inspirante?
Endurance (Endure, en anglais), par Alex Hutchinson et Malcolm Gladwell, aux éditions AMPHORA.
Un(e) coureur(euse) qui l’inspire ?
Sebastian Coe
En un mot, quel type de coureur est-il?
Persévérant.